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Le robot : un éducateur pas comme les autres

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Les robots humanoïdes ont récemment trouvé le chemin de l’école. Utilisés comme une interface pédagogique exceptionnelle, ils deviennent éducateurs spécialisés ou objets de programmation. Quelles sont les premières conclusions de ces interactions robots-enfants?

 

Zoé, Julien et Maxence sont assis en cercle autour de Nao, un petit robot humanoïde blanc mesurant à peine une soixantaine de centimètres. Ces enfants autistes réalisent des exercices pédagogiques sous le regard bienveillant de leur enseignante spécialisée. Tout à coup, Nao donne une instruction avec son ton monocorde et sympathique: « Peux-tu me montrer une grenouille? ». Julien se presse de prendre la bonne carte couchée sur le sol et de la montrer à Nao. Les principaux atouts de Nao pour ces enfants ? Répéter des jeux simples et imiter des émotions basiques.

Les essais sur le terrain en milieu éducatif spécialisé sont encore à leurs débuts en France. Depuis moins d’un an, l’association Autiste Sans Frontière intègre le robot Nao, de la société Aldebaran Robotics, dans l’enseignement des enfants autistes sur deux sites : l’un à Saint Vincent-sur-Jard en Vendée et l’autre à Epône dans les Yvelines.

 

LES DEBUTS DU ROBOT EDUCATEUR SUR LE TERRAIN

C’est par hasard que la société Aldebaran Robotics s’est intéressée à développer les interactions entre le robot Nao et les enfants autistes.

Comme le souligne Vincent Gerhards, responsable de l’association Autiste Sans Frontière, « c’est dans un salon d’exposition que des parents ont constaté que leur enfant autiste régissait avec le robot d’une manière exceptionnelle ». Cependant, on pourrait se demander si l’utilisation d’un robot n’est pas contradictoire avec la volonté d’intégrer l’enfant souffrant de troubles autistiques dans un milieu scolaire classique. « Non, pas du tout. Il faut bien considérer que le robot va permettre de faire gagner du temps à l’enfant. Par exemple, il apprendra initialement à regarder dans les yeux avec le robot puis par la suite, il regardera les yeux d’un être humain », explique Vincent Gerhards. A cette fonction de médiateur, s’ajoute celle d’un outil de collecte de données. En effet, pendant les séances pédagogiques, le robot enregistre la progression de l’enfant au cours de l’exercice et la matérialise sous forme de graphique. Ce qui est remarquable, c’est que l’utilisation collaborative du robot permet de faire évoluer ses fonctionnalités. Sur le terrain, les premiers retours d’expérience positifs se concrétisent : les enfants sont motivés par l’entraînement soutenu et constant du robot et ce dernier a un véritable effet apaisant sur eux, car il réduit leurs stimulations sociales. L’enfant se concentre davantage sur l’apprentissage cognitif. Les applications testées sont variées : travail de l’imitation, de l’émergence du langage ou encore du contact visuel. En amont de ces expériences concrètes, que révèlent les derniers travaux de recherche sur le sujet ?

 

QUE DIT LES LABOS ?

La capacité d’imitation, qui constitue un mode d’apprentissage, se développe plus lentement et moins efficacement chez les enfants autistes. Des chercheurs de l’université californienne USC Viterbi ont étudié le comportement des enfants dans un contexte les incitant à imiter les gestes ou la posture du robot Nao. Le jeu nommé « copy cat » est simple : reproduire 25 poses différentes. Quand l’enfant reproduit la pose à l’identique, le robot cligne des yeux avec une lumière verte, hoche la tête ou bien félicite l’enfant d’un « Bien joué ! ». Lors de l’échec, soit le robot répète la consigne verbale, soit il réitère sa demande en modifiant les termes employés tout en démontrant le geste à effectuer. Résultats ? Le groupe d’enfants qui a davantage réussi est celui avec qui Nao reformulait sa demande. C’est comme si l’approche didactique du robot était plus efficace et moins frustrante pour les enfants comparativement à la répétition du même ordre. Dans cet exercice, ce sont les capacités de reformulation et non de répétition du robot qui sont mises en avant pour la progression de l’enfant. Tout comme l’imitation, les enfants apprennent naturellement grâce à leurs facultés d’attention conjointe leur permettant de se focaliser simultanément sur l’environnement et sur la personne avec qui ils interagissent. Une équipe interdisciplinaire d’ingénieurs en mécanique et spécialistes de l’autisme de l’université Vanderbilt de Nashville aux Etats-Unis a démontré, grâce à une étude pilote, que les systèmes robotiques peuvent être des outils puissants pour améliorer l’apprentissage social des enfants autistes. Ainsi, les chercheurs ont construit un «environnement intelligent» – avec la mise en place de caméras, capteurs et ordinateurs- pour mesurer l’attention d’enfants autistes ou d’enfants ne présentant pas de troubles cognitifs dans un exercice où les consignes étaient dictées soit par un robot, soit par un thérapeute. Sans surprise, la majorité des enfants sont captivés par l’ordre verbal du robot. Cependant, les enfants autistes passent 9% plus de leur temps à regarder le robot que le thérapeute comparativement aux autres enfants. C’est une étape encourageante pour les chercheurs qui, aujourd’hui, développent des applications adaptées à ces retours d’expérience.

L’essentiel de la recherche internationale et des expériences sur le terrain sur l’interaction robot-enfant sont dédiés spécifiquement aux enfants ayant des troubles cognitifs. Dans les écoles primaires classiques, le robot ne se positionne pas comme un éducateur exceptionnel, mais plutôt comme un outil de programmation. L’interface robot-machine est alors un moyen de s’initier à la robotique pédagogique, carrefour entre les activités de manipulation d’objets tangibles et le microcosme de la programmation.

LA ROBOTIQUE PEDAGOGIQUE CHEZ LES PETITS

Une étude réalisée par Anastasia Misirli de l’université de Patras en Grèce dans le cadre du projet européen Fibonacci, qui est de développer une stratégie d’enseignement des sciences et des mathématiques par l’investigation des enfants, démontre les avantages de la robotique pédagogique dans les écoles maternelles. En s’appuyant sur la programmation du jouet Bee-Bot qui doit se déplacer dans la classe grâce à l’écriture d’une programmation de type LOGO (avancer, reculer, tourner), la chercheuse et enseignante observe que les enfants développent leurs compétences relatives à la pensée algorithmique et à la résolution de problèmes. Quel est l’avenir de la programmation sur les bancs de l’école maternelle ? « Compte tenu du besoin d’un renouveau des approches éducatives dans le domaine de l’informatique et de la pensée computationnelle, l’utilisation de la robotique à l’école maternelle apparait comme une nécessité pédagogique » argumente Anastasia Misirli.

Sans avoir la prétention de remplacer un éducateur en chair et en os, le robot apparait avant tout comme un moteur d’évolution pour la pédagogie spécialisée et traditionnelle.

Un article de Julie Paysant, journaliste scientifique.
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