Alain Goudey et Gaël Bonnin, co-fondateurs de l’Institut de Recherche Smart Products & Consumption de Neoma Business School.
Bonjour pourriez-vous vous présenter à mes lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?
Nous sommes professeurs de marketing à NEOMA Business School et nous avons fondé l’institut de recherche SPoC (pour Smart Products & Consumption). Nous enseignons le marketing des produits technologiques, l’innovation et le design. Nos recherches dont les résultats ont été publiés dans les revues académiques internationales portent également sur le design et les technologies.
Pourriez-vous nous parler de l’Institut de Recherche Smart Products & Consumption ?
L’objectif de SPoC est d’aider les organisations (entreprises, associations, institutions) à comprendre les bouleversements socio-technologiques induits par le développement de l’intelligence des produits, et à aider les entreprises à élaborer des stratégies pertinentes pour y répondre. Notre réflexion s’articule en 3 axes :
· Compréhension de la construction du marché des produits intelligents.
· L’impact du design (forme, matière, son, couleur) des objets intelligents.
· L’appropriation (par les entreprises et les individus) des objets intelligents et leur impact sur les pratiques.
En quoi la ressemblance d’un robot à un humain peut-elle gêner son insertion dans une société moderne ?
La ressemblance à un être humain est souvent présentée comme pouvant faciliter la création d’un lien émotionnel entre le robot et les individus. Or, dans nos recherches, il semble que si cette ressemblance crée bien une fascination, celle-ci n’est que technique, et ne facilite pas l’intégration dans les pratiques quotidiennes des usagers. Elle renvoie probablement trop à l’imaginaire fantasmé des robots qui, s’ils fascinent, cantonnent l’objet au domaine fictionnel et peut même générer des attentes démesurées au regard des capacités techniques réelles.
Dans une de nos recherches sur les robots compagnons à destination des enfants, nous avons comparé l’impact de trois apparences différentes (machine, humain, hybride), et il apparaît que l’apparence humaine ne favorise pas l’adoption. Au contraire, pour les personnes ayant des pratiques technologiques antérieures, c’est l’apparence hybride qui semble la plus efficace.
A terme, pensez-vous qu’il puisse y avoir un danger pour l’humanité avec le développement de robots de plus en plus sophistiqués ?
Certains experts techniques de l’intelligence artificielle commencent à mettre en garde contre un développement non contrôlé (Bill Gates, Stephen Hawking, Elon Musk). Ils invitent à une réflexion sur le sujet. Et effectivement, le déterminisme technologique n’existe pas. Les conséquences de l’exploitation d’une technologie ne sont pas dans la technologie elle-même, une technologie n’est ni bonne ni mauvaise, ou plutôt elle peut être les deux à la fois. La question clef est le type de société que nous voulons construire, et de ce fait la part et le rôle des robots que nous allons laisser dans cette société.
A terme, quelles autres exploitations peut-on imaginer des robots, humanoïdes ou non ?
Les exploitations possibles des robots sont multiples. Certains parlent de la plus importante des révolutions industrielles. Davantage que de robots d’ailleurs, il faudrait sans doute mieux parler d’intelligence des produits. Probablement le développement le plus important sera celui de l’intelligence embarqué dans des produits existants, une forme de robotisation des produits, plus que l’émergence d’un objet robot omnipotent. D’ailleurs les frontières deviennent floues : une voiture autonome est-elle un robot ?
Votre mot de la fin ?
Nous vivons, avec l’intelligence artificielle, un bouleversement sans précédent. Il est important d’en prendre la mesure afin de réfléchir aux moyens de réussir cette révolution.
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